Titane (Julia Ducournau, 2021)

Score qualité : ★★★☆☆

Score personnel : ♥♥♡♡♡

Titane est le deuxième long-métrage de Julia Ducournau et après avoir vu et adoré 95% de son premier, Grave, j’ai été vraiment surpris qu’elle prenne la décision de développer sur la durée complète d’un film les 5% les moins convaincants, et de les prendre complètement au sérieux.

Synopsis et vue d’ensemble :

Le film est techniquement réussi. Les acteurs sont convaincants malgré le scénario bizarre. La musique fait son travail sans être mémorable. S’il y a un point faible ce sont certains effets spéciaux en image de synthèse qui n’ont pas vraiment leur place dans ce genre de film, mais ils n’en abusent pas non plus. Le meilleur aspect du film c’est la direction de la photographie qui est quelque part entre les films de Nicolas Winding Refn et Michael Bay. D’ailleurs, thématiquement toute la première scène fait aussi penser à Bay avec ses voitures de course et son objectification des personnages féminins. On dirait que le film s’apprête à faire une subversion de tous ces clichés, à les retourner dans la face des spectateurs. Pas que Bad Boys et Titane partage une grande audience en dehors des critiques et les gens qui passe trop de temps à regarder des films mais qui sait peut-être que c’est l’audience qui compte.

La bande-annonce ne donne pas vraiment d’indices sur l’histoire donc je vais au moins devoir expliquer comment se structure le début pour donner du contexte à mes critiques. Parce que après que le film ait établi un contexte qui suffirait largement à n’importe quel film de genre avec une ou deux scènes prometteuses et autant de scènes bancales, l’histoire prend une direction inattendue.

Pour résumer, on alterne entre deux histoires. La première est très body-horror et surréaliste, pensez aux films de David Cronenberg mais un peu moins terre-à-terre. Cette partie là est très dérangeante et probablement à l’origine de tous ces articles sur les spectateurs qui auraient été pris de malaise devant le film. Je ne vais pas mentir, je me suis presque évanoui devant Grave, même après avoir vu quelques films d’horreurs. Mais si j’ai été autant affaibli par Grave c’était en grande partie à cause de mon empathie pour le protagoniste. C’est là que la gymnastique de styles de Titane commence à poser problème, parce que la seconde histoire est celle d’un drame familial qui est difficile à accepter dans ce contexte. L’impression que j’avais devant le film, c’est que les aspects horrifiques d’une histoire étaient utilisés pour détourner mon attention des développements douteux de la seconde. Ma plus grande frustration pendant le visionnage venait du fait que les opportunités offertes par l’unique histoire n’étaient pas saisies. Ma deuxième plus grande frustration était que le film n’était pas si choquant. Après deux ou trois scènes où des personnages sous-développés sont torturés par le film, j’ai simplement déconnecté la partie de mon cerveau qui en avait quelque chose à faire. A la fin du film, les visuels et concepts dérangeants sont juste une formalité qui obscurcissent une histoire qui a du potentiel, et ne culminent pas non plus dans un glorieux feux d’artifices anatomique.

Spoilers :

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Dans le film on suit Alexia, qui a été victime d’un accident de voiture quand elle était petite, ce qui a peut-être (mais probablement pas) affecté son comportement maintenant qu’elle est adulte. Au début du film on apprend qu’elle a une certaine passion pour l’automobile, et qu’elle aime bien tuer les gens. La deuxième fois qu’on la voit passer à l’acte est aussi la dernière car elle laisse s’échapper un témoin ce qui la pousse à partir en cavale. Avec cette introduction, le film se posture comme un thriller relativement réaliste mélangé avec un film d’exploitation des années 70s, où Alexia doit faire profil bas mais aussi assouvir sa soif de sang. C’est alors que le film commence pour de vrai.

Pendant les premières scènes on a établi qu’un enfant était porté disparu depuis 10 ans, Alexia décide donc de se défigurer pour ce faire passer pour lui et de se faire récupérer par Vincent, le père de l’enfant. C’est la portion du film la plus dure à avaler parce que c’est très difficile de comprendre les motivations des personnages. On a du mal à accepter que Vincent reconnaît Alexia comme son fils, même si le reste du film montre que ça n’a pas d’importance, et on ne comprend pas quel est son plan sur le moyen-terme. Dans les scènes qui suit elle cherche à s’échapper et ce n’est pas clair si c’est parce que Vincent lui fait peur ou si c’était le plan depuis le début. Est-ce qu’elle voulait simplement s’éloigner de la ville utiliser les transports en commun? Est-ce que se faire passer comme un enfant disparu il y a 10 ans dont on parle depuis plusieurs jours à la télévision ne risque pas d’attirer la curiosité de journalistes? Même si le dossier est fermé?

On ne se poserait pas ces questions si la carrière de criminelle de Alexia n’avait pas été aussi fortement établie au début du film, mais d’un autre côté on a besoin qu’elle soit vraiment dans le pétrin pour restée cachée chez Vincent. Le vrai problème, c’est que l’horreur du film est contagieuse et que Vincent est présenté comme une menace, bien que sur le papier son personnage soit sympathique. Contrairement à Grave, où on entrait vraiment dans la tête du personnage et le monde était déformé et réinterprété en accord avec ce point de vue, dans Titane on se sent vraiment comme un témoin des événements, et tout est terrifiant.

L’interprétation la plus charitable de ce que le film essaie d’accomplir, est une drame où un père qui donne beaucoup d’importance à sa masculinité, essaye de connecter avec un fils qui n’est pas qui il pensait être, spécifiquement une fille. Vincent est un capitaine de sapeurs-pompiers qui commence à sentir son age, et bien sûr le scénario du film impose à Alexia de se faire passer pour un homme, mais il y une autre scène qui indique que cela est sûrement un des thèmes du film. A l’issue d’une dispute avec Vincent, elle a enfin l’opportunité de s’échapper de chez lui, mais après avoir vu une femme se faire harceler dans son bus, elle décide de revenir et d’être plus ouverte avec lui.

Vincent est heureux d’accueillir son fils et de le réintégrer à sa vie, mais sa réalité est testée et érodée à plusieurs reprises. D’abord sa femme revient le voir et ne reconnaît pas Alexia comme son fils mais lui demande de s’occuper de Vincent. Ensuite un des pompiers reconnaît Alexia comme étant une personne recherchée et il est possiblement tué par Vincent lors d’une mission. Plus tard, il voit enfin Alexia dénudée mais décide de continuer à la traiter comme son fils, cependant il semble embarrassé par son comportement féminin en public. Il fini par reconnaître qu’il s’agit d’une personne différente de son fils quand il l’aide à accoucher à la fin du film, et est donné l’opportunité de tout recommencer avec un nouvel enfant. Il aurait fallu plus de personnages comme la mère pour qu’on soit ramenés de temps en temps à la réalité. Le film pourrait pourrait parler d’une personne qui doit prétendre être quelqu’un d’autre en famille et en société malgré les souffrance que cela engrange.

C’est juste dommage que Alexia ait fait l’amour à une voiture à la 5e minute du film et qu’elle a de l’huile de moteur qui lui sort par tous les orifices toutes les deux scènes. Et que ce soit une meurtrière.

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Conclusion :

Le peu de plaisir que j’ai tiré de mon visionnage de Titane, venait des quelques tentatives d’humour noir au début et à la fin du film. Le film est un mélange de Under the Skin, les œuvres de Bilal, Crash de Cronenberg et de la French Horror à la Martyrs. Je n’avais non plus aimé Crash et Martyrs mais si vous êtes fan jetez un coup d’œil à Titane.

Si je peux conseiller un autre film de body-horror, aussi très récent : Possessor est plus intéressant et étrange. Réalisé par Brandon Cronenberg, comme par hasard le fils de David. Ne le regardez pas en famille, et si vous choisissez de regarder la version non-censurée, ne le regardez pas avec un autre humain dans la pièce.

Tags : 2020s francais body-horror