Arthur: Malédiction (Barthélémy Grossmann, 2022)

Score qualité : ★☆☆☆☆

Score personnel : ♥♥♥♡♡

Après seulement une semaine en salle, Arthur: Malédiction est déjà le film d’horreur adapté d’une trilogie de films d’animation pour enfants le plus profitable de l’histoire du cinéma français. Il s’agit à présent de déterminer qui est prêt à monter sur l’estrade imaginaire pour accepter le trophée. L’heureux élu sera ensuite questionné pour établir un mobile derrière cet inexplicable acte cinématographique.

Le suspect numéro un est Luc Besson, réalisateur de renommée internationale qui s’implique dans l’affaire non seulement en tant que producteur mais aussi en tant qu’unique scénariste de Arthur, malédiction. Sa participation dépasse donc l’acte passif de financer un projet qui flatte son ego : il fallait que le résultat ne ternisse pas la réputation de la franchise. La qualité de ses scripts était déjà sur le déclin, Valerian and the City of a Thousand Planets n’étant qu’une médiocre tentative de raviver la flamme allumée par The Fifth Element. Malgré tout il reste difficile d’imaginer Luc Besson assis devant son bureau, écrire les phrases qui devront être prononcées à voix haute devant une caméra et ne pas se rendre compte du monstre qu’il est en train de créer.

Vue d’ensemble :

L’histoire d’un groupe d’adolescents déterminés à visiter une maison abandonnée, où un film du scénariste aurait été tourné, pour y trouver la mort est suffisamment difficile à vendre sans avoir à s’handicaper avec des dialogues effarants. Un tel concept ne peut qu’être le fruit d’un pari perdu ou d’une plaisanterie à l’École de la Cité qui est allée trop loin. L’histoire aurait été plus acceptable si la visite à la maison était opportuniste sans que le protagoniste soit un fan obsédé par la franchise. Une autre option aurait pu être d’inventer une série de films fictifs, offrant par la même occasion d’avantages de libertés artistiques.

L’argument de vente de Arthur- Malédiction semble cependant être une subversion de l’expérience qu’offre la trilogie originale. Le résultat est malheureusement bien moins intéressant que les expérimentations de Wes Craven avec Scream ou Freddy. Le film ne paraît pas non plus être une réponse à l’industrie du cinéma contemporaine comme l’était Un gatto nel cervello de Lucio Fulci. Ce dernier était un montage des films du réalisateur qui avaient été censurés, agrémenté de nouvelles scènes avec Lucio Fulci dans son propre rôle. Le produit fini n’était évidemment pas particulièrement divertissant mais son existence pouvait au moins être expliquée.

L’interprétation la plus charitable des objectifs de Besson est un hommage parodique au genre horrifique dans le style du Cabin Fever de Eli Roth. La réflexion sur le scénario s’est donc arrêtée à : « que se passerait-il si Arthur était mélangé à The Texas Chain Saw Massacre? ». Les répétitions dans l’histoire et les dialogues laissent entendre que le script de Besson devait se limiter à une demi-douzaine de post-it collés sur le frigo du réalisateur. Cette théorie est étayée par le fait que la majorité des dialogues semblent improvisés à l’exception de quelques lignes alambiquées, et qu’au moins trois personnages ont des scènes dédiées à une pause technique dans les bois.

En l’absence d’instructions claires du scénariste, toutes les responsabilités sont transférées aux épaules du réalisateur, Barthélémy Grossmann. Son approche hyperactive à la réalisation et la direction des acteurs ruinent le ton horrifique de la meilleure façon possible. Le film commence par la scène d’introduction du premier Arthur, mais lorsque le titre orignal apparaît « malédiction » est maladroitement casé en dessous puisque le plan n’a pas été cadré avec cet hommage bizarre en tête. Un autre plan révèle que le film est en train d’être visionné par un groupe d’enfants, mais « malédiction » est encore écrit en dessous de « Arthur » sur la télévision. Cela n’a bien sûr aucun sens.

Le générique est entrecoupé d’extraits de Arthur, dont l’image de synthèse n’a malheureusement pas bien vieilli, et des réactions des enfants qui le regardent avec plus ou moins d’attention. Cette séquence permet néanmoins d’établir que le protagoniste a grandi avec le film et qu’un des personnages est allergique aux abeilles. Dix ans plus tard les enfants sont maintenant des adolescents hyperactifs et le concept du film est rapidement expliqué au spectateur. C’est là que le réalisateur brille avec son montage : dès qu’une chanson inappropriée s’arrête, on passe à la suivante et le rythme du montage est constamment dicté par la bande-son. Le film va ralentir, accélérer, se mettre en pause ou sauter de quelques secondes comme s’il s’agissait d’un clip musical ou d’une vidéo amateure. Le manque de subtilité rend l’approche presque expérimentale sans pour autant être innovante.

Peut-être que le montage est sensé distraire de la production bâclée. Certains plans ont l’air d’avoir été filmés avec un smartphone sans raison diégétique. On peut parfois voir des maisons au loin alors que les personnages sont sensés être complètement isolés. Les acteurs sont presque incapables de prononcer leurs lignes : chaque plan semble avoir été la première prise du jour ou tourné sans leur consentement. Le comportement de certains personnages change drastiquement sans raison, comme s’ils avaient un rôle spécifique à occuper pour une scène donnée sans connexion au reste du film.

Le niveau d’absurdité de la présentation atteint parfois le surréalisme d’une comédie comme Wet Hot American Summer. Un plan idyllique montre les huit personnages marchant côte-à-côte dans un champ en riant, chacun portant des fagots dans les bras. Plusieurs « champ/contre-champs » où les personnages s’appellent les uns les autres semblent former des boucles infinies. Comme Wet Hot American Summer, l’histoire de Arthur; Malédiction est très modulaire, puisque les sorts des personnages sont compartimentés et certains pourraient être coupés du film sans affecter les autres.

Le pire personnage dans cette catégorie est celui de la fille allergique aux abeilles, dont la seule fonction est de se faire piquer par des abeilles quand son heure est venue. Un autre échec au niveau du montage plus global, est le manque de conclusion quant au sort de deux personnages cachés dans une voiture. Le dernier plan qui les montre s’arrête trop tôt, suggérant qu’ils seront découverts par les survivants plus tard, ou qu’ils ont réussi à s’échapper. Cependant le film ne reviendra jamais sur cette trame scénaristique.

Conclusion :

Si un positif pouvait être donné à la production, ce serait que certains des effets spéciaux gores sont plutôt réussis et relativement réalistes. Cela amplifie cependant la confusion concernant le ton, qui devient plus volontairement humoristique à mesure que le film arrive à sa fin. Un ultime twist ne fait aucune faveur au scénario en mettant beaucoup trop d’événements en question pour justifier l’histoire de manière satisfaisante. On ne saura jamais si l’objectif était de faire un film sérieux où l’extrémité de l’horreur conduit à des moments absurdes comme Don't Breathe, ou s’il s’agit d’une parodie de genre à la Evil Ed, ou si tout est à moitié ironique comme dans Malignant.

Quel qu’il soit, le film donne l’impression d’avoir échoué à son objectif. L’histoire est suffisamment claire pour pleinement apprécier à quel point les auteurs ont raté sa narration. Arthur▯ Malédiction est un de ces rares mauvais films qui n’est pas frustrant ou ennuyant car il a tout ce qui est attendu d’une bonne parodie. C’est pour cela que malgré tout ce que j’ai dit, il est certain que je reverrai ce film avant de revoir la trilogie Arthur et les Minimoys.

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