The Unholy/La Chapelle du Diable (Evan Spiliotopoulos, 2021)

Score qualité : ★☆☆☆☆

Score personnel : ♥♥♡♡♡

The Unholy est le premier film réalisé par Evan Spiliotopoulos. Il ne doit pas avoir un très bon agent : d’une part il n’a pas de biographie sur IMDb alors qu’il a co-écrit des classiques de Disney comme le remake de La Belle et la Bête, Tarzan 2 et Cendrillon 3, et d’autre part il a réalisé The Unholy.

Synopsis et vue d’ensemble :

Le film suit le journaliste Gerry Fenn qui a perdu sa crédibilité lorsqu’il s’est mis à inventer les histoires qu’il faisait publier. Il travaille maintenant pour un site internet sur des faits divers paranormaux, et a un goût pour la bouteille. Ces deux occupations le conduisent à presque reverser une adolescente immobile au milieu d’une route de campagne en pleine nuit. Plus tôt dans la journée, il était venu enquêter dans un petit village et avait trouvé une poupée enterrée sous un arbre. Il avait alors volontairement cassé la poupée, sensée contenir de mauvais esprits, pour avoir quelque chose à raconter dans son article.

Après l’accident de voiture, il retrouve l’adolescente agenouillée au pied de l’arbre en question. Elle parle un peu à l’arbre puis s’évanouit. Il est alors obligé de transporter à l’église voisine, où il apprend qu’elle est sensée être muette. Il y rencontre le prêtre et la généraliste du coin mais personne ne le prend au sérieux, vu qu’il vient d’emboutir sa voiture et entend des voix.

Le résumé qui précède est un peu chargé, mais tous ces éléments sont bien nécessaires au lancement de l’intrigue. On a plusieurs personnages assez spécifiques avec leur travail, caractère et motivations, ainsi qu’un protagoniste anti-héro qui enquête sur des événements au caractère religieux. Ce sont des symptômes qu’on a affaire à l’adaptation d’un roman de 1983, écrit par le Stephen King britannique™ James Herbert, qui n’est aucunement associé à Frank. Après avoir fait adapter deux de ses romans en 1981 et 1982, l’auteur semble avoir manqué la fenêtre de tir pour un troisième : « Shrine ». Ce scénario du livre, dont est adapté The Unholy, aurait pu se glisser parmi les Exorcists et autres Omens de la fin des années 1970.

Cependant en 1983 le paysage était complètement différent, et pas très propice à la prolifération des drames horrifiques religieux. The Exorcist III n’est sorti qu’en 1990, bien que son roman « Legion » ait justement été publié en 1983. Aujourd’hui encore The Unholy se sent obligé de se faire passer pour un film « paranormal » pour arriver en salle, et ressuscite quelques clichés de la dernière décennie au passage.

En tant qu’adaptation, le film hérite des personnages et de la structure d’une histoire cohérente qui a été écrite par un seul auteur. De toute évidence, si ce roman de 40 ans mérite une adaptation c’est qu’il satisfait certains critères de qualité. Seulement, dès qu’on s’éloigne de l’adaptation littérale de ce qui est écrit sur la page, le film bât de l’aile. The Unholy tient la route pendant le premier acte, où les personnages sont introduits et on a le plus de dialogues, mais pour des raisons de budget ou talent, le film est incapable de maintenir la tension.

Le deuxième acte est principalement dédié à de longues scènes silencieuses se terminant par un jumpscare optionnel. Les différents personnages découvrent des informations mais ne se les communiquent pas, donc dès que quelqu’un meure on retourne dix minutes en arrière. On sent que le monteur perd lentement l’esprit ou devient frustré par les plans qu’on lui demande d’assembler. Un détail m’a néanmoins intrigué : le journaliste enregistre ses entretiens en 24 images par secondes. C’est étrange puisque que ses vidéos sont supposément diffusées à la télévision, en 25ips ou 30ips, et pas dans les salles de cinéma comme celles où on pourrait voir The Unholy. C’est attentionné de sa part, malheureusement on dirait quand même que le film a été capturé avec un caméscope.

La plupart du temps, on a l’impression de regarder les cinématiques d’un jeu des années 1990 qui auraient été restaurées en HD pour un remake financé sur Kickstarter. L’image a cette apparence « numérique » non maîtrisée : trop fluide et fade, et beaucoup de mouvements de caméra qui ont été créés au montage. Un plan pique particulièrement les yeux, où sont combinés une rotation et un zoom poussé jusqu’à ce que les pixels de l’image soient visibles. Certains effets de lentilles virtuelles sur l’image sont aussi très approximatifs mais rappellent une version sans budget de ce que fait James Wan dans Malignant.

Spoilers :

[expand]

Comme dans Malignant, Marina Mazepa joue un démon qui hante les rêves de notre protagoniste. The Unholy utilise aussi les compétences de la danseuse contorsionniste pour évoquer les antagonistes du cinéma d’horreur asiatique à la Ju-on. Cependant, ils ont eu la brillante idée de recouvrir l’actrice d’image de synthèse, rendant tous ses efforts inutiles et le résultat final générique. On ne peut même pas donner au film le crédit d’avoir été le premier à utiliser les talents de Marina Mazepa, puisque Malignant est a été tourné avant, mais reporté à cause de la COVID.

La COVID pourrait d’ailleurs expliquer une grande partie des problèmes du film, comme l’effondrement du troisième acte et certains effets spéciaux. Alice, l’adolescente, a été guérie de son mutisme par le démon, qui se fait passer pour la vierge Marie. Si les rêves de Gerry ont une esthétique inspirée de Ringu qui fonctionne à moitié, les « visions » qu’a Alice semblent sortir tout droit d’une machine à karaoké. On est sensé voir le visage de Marie, qui est en fait un masque, mais on dirait une tête de poupée sur un fond nuageux. C’est risible au point d’en devenir expérimental.

Visuellement parlant, la plupart des morts de personnages sont génériques, mais certaines sont presque incompréhensibles. Vers la fin du film, un prêtre se fait écraser par une croix en flammes. Tout la scène est très visiblement sur fond vert, pour les dialogues comme pour l’action. Lorsqu’on coupe enfin à d’autres angles, c’est seulement pour suggérer ce qu’il vient de se produire plutôt que le montrer. Je ne pense pas que ce soit de la censure, puisqu’on pourrait simplement couper à autre chose. On dirait plutôt un tour de passe-passe du monteur pour nous faire croire qu’on vient de voir quelque chose se produire, alors que les plans en question n’ont pas été filmés.

Dans un entretien sur rue-morgue.com, Evan Spiliotopoulos admet qu’avec les contraintes de distanciation, il a dû réutiliser les mêmes figurants à plusieurs endroits dans une même scène. Dans le troisième acte, le culte qui s’est formé après la guérison miraculeuse de Alice est rassemblé dans une tente. L’esthétique restreinte est presque charmante mais est évidemment une contrainte imposée par le budget et le COVID. Quand le démon sort du corps de Alice et commence à balancer du feu en synthèse dans tous les sens le film tombe en morceaux.

On a enfin la satisfaction de voir Marina Mazepa jouer son rôle sans sa bouillie de pixels habituelle, et elle est vaincue de manière appropriée par le sacrifice de Alice. Cependant quand cette dernière est ressuscitée parce Gerry croit soudainement en Dieu et prie très fort, le film a épuisé toute ma bonne volonté. Beaucoup de ces films religieux abusent des pouvoirs des divinités concernées pour résoudre leurs problèmes, mais ici c’est beaucoup trop « Disney ».

[/expand]

Conclusion :

The Unholy est produit par Sam Raimi, une distinction qui depuis 10 ans devient de plus en plus sinistre. D’ailleurs Sinister est aussi un film qui parle d’un auteur ivrogne en quête de gloires perdues, et qui semble avoir été réalisé avec le budget d’un épisode de Buffy. Ce qui les distingue c’est le ton, et l’envergure. The Unholy hérite de « Shrine » ses personnages, sa structure et ses thèmes, mais n’a pas la force d’en tirer profit. Le deuxième acte est une perte de temps, et le troisième est hors de portée de leurs moyens. Le film est malgré lui un hommage à une époque où le cinéma d’horreur était riche en ressources et prestige. C’est aussi un dernier souffle de la vague paranormale des années 2010.

Un avantage par rapport à Sinister, c’est que les jumpscares sont tellement peu efficaces que le film reste relaxant. The Unholy est difficile à détester, et c’est probablement pourquoi deux des cinq spectateurs se sont mis à applaudir à la fin. Le film fonctionne comme un téléfilm des années 1970. Inspiré par les « vrais » films qui sortent au cinéma, il propose une version accessible et bas budget pour les après-midi pluvieuses, du moins pendant les 30 premières minutes.

Tags : 2020s americain religion paranormal