Malignant (James Wan, 2021)

Score qualité : ★★★☆☆

Score personnel : ♥♥♥♥♡

Je commencerais par signaler que je ne suis pas très familier avec les films de James Wan. Après le premier Saw, je suis passé complètement à côté de ses nouveaux films d’action, comme Fast and Furious 7, ou ses films de fantômes comme Insidious et Aquaman. Avec l’approche de l’automne et le déconfinement américain, les studios Hollywoodiens se sont mis à nous bombarder de films pour Halloween, parfois littéralement. Malignant sort un peu du lot avec son poster aguichant et son concept rétro. Ma seule crainte alors que les lumières s’éteignent et que les téléphones restent allumés, c’est de me retrouver devant un autre Ouija: Origins of Evil, produit pour une audience indifférente, et qu’il ne se passe rien d’intéressant de toute la séance.

Toutes ces inquiétudes se sont immédiatement évaporées à l’instant où le film a commencé, et j’ai été pris d’un fou-rire qui a été régulièrement ravivé pendant les presque deux heures de film. On commence par planter le premier décor : un hôpital à l’architecture gothique, érigé sur le bord d’une falaise et en proie à la violence d’une nuit orageuse. C’est une métaphore. Les enjeux littéraux de la scène sont décrits par un enregistrement vidéo fait par un des médecins. La scène se passe en 1992, mais la narration pourrait tout aussi bien venir de Vincent Price assis devant sa cheminée. Quand on y réfléchit, l’hôpital en image de synthèse douteuse n’est pas si différent de la peinture sur verre du château de Dracula d’antan. Ce n’est pas aussi charmant, mais il faut vivre avec son temps. Ce qui est charmant en revanche, c’est la scène d’action horrifique qui suit, ainsi que le générique accompagné de sa bande-son métal et de ses images subliminales glauques. Il est temps pour le film de retourner dans le présent et entrer dans le vif du sujet.

Vue d’ensemble

IMDb liste de nombreux genres pour Malignant, à l’exception notable de « comédie », qui est pourtant la première chose qui me vient à l’esprit. Cette première scène pourrait servir d’introduction à un film de Sam Raimi, et c’est le modèle que James Wan semble avoir suivi. Le réalisateur, complètement décomplexé, nous a préparé un smoothie avec toutes les influences horrifiques qu’il a réussi à incorporer. L’énergie et l’humour de Drag Me to Hell par Sam Raimi et de The Frightners par Peter Jackson, qui sert par ailleurs de référence visuelle. Malignant pousse le kitch et le théâtral encore plus loin en reprenant des éléments du Carrie de Brian de Palma. Il suit l’exemple de Wes Craven qui traite son A Nightmare on Elm Street comme un conte pour enfants particulièrement malsain. A tout ça, il ajoute un pointe de fascination avec la technologie, ainsi que le gore et l’action comiques du cinéma d’horreur japonais. Si les effets en image de synthèse risibles sont excusés chez Takashi Miike et son Ichi the Killer, justement parce qu’ils sont amusants, alors ils sont appropriés pour Malignant.

Ce n’est pas pour autant que le film ressemble à un jeu vidéo ou au Marvel de la semaine. James Wan a également recours à de véritables effets spéciaux quand il cherche à vous faire grimacer. La synthèse est utilisée pour des visuels difficiles à obtenir avec des objets physiques, ou quand l’idée est plus importante que l’exécution. Elle sert aussi à pousser encore plus loin les déformations de l’image, qui dans les années 1970 et 1980 auraient été obtenues en jouant sur l’objectif attaché à la caméra. James Wan éclaire ses scènes de manière surréaliste et sans-gène, et fait virevolter sa caméra dans toutes les directions. C’est peut-être là qu’il risque de perdre le public qui avait aimé Invisible Man ou Doctor Sleep deux ans auparavant : Malignant mixe aussi de l’action à son horreur, mais les transitions sont plus abruptes puisque toutes les décisions semblent être guidées par ce désir d’amuser l’audience, ou peut-être James Wan lui-même. Les thèmes difficiles au cœur des films d’horreur modernes sont traités avec la délicatesse et l’humanité qu’on attendrait de Dario Argento. Ce ne sont que des éléments scénaristiques, servant à propulser l’histoire en avant.

Regarder Malignant donne parfois l’impression de faire une course contre la montre. Les « mystères » sont si évidents, les « thèmes » abordés si superficiels, qu’on est assis, assoiffé, dans son siège, à attendre la prochaine mort, la prochaine scène d’action ou la prochaine blague, comme devant un film des frères Zuckers. Heureusement le film a de l’endurance, et évite au possible de se répéter. L’humour des dialogues est parfois intrusif, puisqu’il faut que les acteurs soient complètement sérieux pour que la relative absurdité des événements soit vraiment appréciée. Cependant, il donne de la vie aux personnages secondaires et heureusement la protagoniste ne fait aucune blague.

Le film commence à ralentir pour reprendre son souffle avant le troisième acte, et nous révèle tout ce qu’on avait déjà compris depuis la première scène. A la défense de James Wan, je pense qu’il a soudainement réalisé qu’il devrait donner une longueur d’avance à son audience moderne, peut-être non-initiée à ces choses-là, pour ne pas nous perdre. Dans le contexte du film, les personnages découvrent l’information pour la première fois et c’est l’occasion de vérifier si l’histoire a du sens, donc ce n’est pas du temps perdu.

Comme beaucoup de blockbusters médiocres modernes, l’histoire peut paraître écrite au fil de l’eau, mais Malignant est correctement structuré et ne change pas les règles en cours de route. Néanmoins, certaines transitions entre scènes ne semblent motivées que par la nécessité d’introduire au plus vite certains éléments du scénario. Cela permet d’éviter qu’ils sortent de nulle part plus tard dans l’histoire, mais crée de la confusion au début du film. La différence entre introduire un nouveau personnage avec une scène dédiée ou simplement couper à une scène quelconque contenant le personnage en question est subtile, mais le film est coupable de ce genre de raccourcis.

Conclusion :

Malignant est le genre de film d’horreur qui aurait pu naître dans l’esprit d’un réalisateur méconnu entre 1977 et 2005, avant que des superstars comme Zack Snyder, M. Night Shyamalan, Guillermo Del Toro et James Wan lui-même rendent le genre respectable et accessible à nouveau au grand public. Ces derniers ont d’ailleurs tous succombé au désir de revenir à des films plus personnels ou « perchés » avec différents niveaux de succès. Ces films encourent le risque que le public général ne soit pas intéressé, et que les férus du genre se montrent méfiants à l’égard de ces reproductions des choses qu’ils aiment.

Comme Krampus, le remake de Evil Dead ou le second remake de Halloween, Malignant s’inspire de succès passés et peut paraître cynique dans la rédaction parfois expéditive de son histoire, ou les libertés qu’il prend avec le réalisme et le bon goût. En vérité, tous ces éléments sont au service du divertissement du public et du réalisateur, montrant ainsi qu’il ne se croit pas au dessus de son audience. Quand en 2021, la première chose qu’on entend alors que les lumières se rallument est : « whoa tu as vu comment la caméra volait au dessus de la pièce quand elle essayait de s’enfuir?! », le réalisateur peut se conforter dans l’idée que son travail est apprécié.

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